Appel à communication > Axe 3 : Questionner l’implication des jeunes

Laisser entendre comme on le propose dans l’axe 1 que les cibles des politiques publiques labellisées ‘jeunesse’ ne sont pas toujours celles qu’elles semblent être, conduit logiquement à se demander d’un côté, quels sont les effets (anticipés, prévus, escomptés) de ces politiques sur lesdites cibles et de l’autre, quels sont les modes d’appropriation par les jeunes des politiques publiques. Incarnées dans des dispositifs (de formation, d’éducation, de sensibilisation) mis en place par des acteurs variés, les politiques publiques en direction des jeunes, ou qui s’annoncent comme telles, orientent des actions et des initiatives qui prennent sens et prennent vie à travers l’implication, diversement motivée, des “jeunes”.

L’articulation entre les effets escomptés des politiques en direction de la jeunesse et les effets réels de leur mise en œuvre mérite d’être interrogée au-delà d’une simple critique des modèles “transmissifs”. D’une part en différenciant entre les objectifs annoncés par les politiques et les objectifs implicites, non-dits ou non dicibles ; et d’autre part en considérant la nature des proximités et des écarts entre ces objectifs (explicites et implicites) et les modes d’appropriation par les jeunes des actions mises en œuvre. Il s’agit donc dans cet axe d’une part de questionner la variété des effets (voulus, anticipés de façon plus ou moins explicites) sur les jeunes des dispositifs proposés dans le cadre des actions liées aux politiques publiques, et d’autre part d’interroger les usages et les appropriations par des jeunes de ces dispositifs.

Ainsi en est-il, par exemple, des dispositifs d’action publique qui visent à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Nombreux sont les acteurs, publics ou associatifs, en s’appuyant plus ou moins directement et explicitement sur les politiques politiques, à avoir mis en oeuvre des outils pour évaluer, développer les “compétences” des jeunes, à travers une myriade de termes promotionnels tels que hard skillssoft skillsopen badges, ou à valoriser l'entrepreneuriat comme voie d’insertion. La question de la professionnalisation se retrouve aussi plus ou moins directement dans les secteurs de la citoyenneté (services civiques, clean-walk, KAPS, etc.), de la mobilité (internationale, comme Erasmus ou Erasmus+ ; ou plus locale, par exemple la possibilité d'obtention du permis B à un euro par jour) ou de l’éducation aux médias et à l’information (maîtrise des outils numériques, acquisitions de compétences opérationnelles dans le domaine du journalisme, de la communication, de la veille etc.). Dans certains cas, à un degré qu’il convient d’analyser, des savoir-faire (plutôt que des savoirs) sont priorisés, avec une tendance à valoriser la rentabilité et la transférabilité de la maîtrise des compétences, et ce malgré (ou à travers) un discours sur la citoyenneté, la créativité et la solidarité. Les injonctions à la professionnalisation, matérialisées dans des dispositifs éducatifs et pédagogiques, sont pourtant interprétées et mises en œuvre de façon variée par les acteurs “du terrain” notamment les acteurs de l’éducation aux médias et à l’information. En quoi les dispositifs traduisent-ils des intentions, de la part de ces acteurs, qui sont en appui ou en décalage par rapport aux objectifs de rentabilisation professionnelle ? Comment les jeunes “rentrent-ils.elles” dans ces dispositifs, à partir de quelles motivations et en développant quelles expériences ?

Quelle que soit leur appellation ou leur labellisation, les dispositifs (et leur discours d’escorte) tendent pour certains à renforcer une vision purement “topologique” des médias (Jeanneret, Souchier 2002) en tant que “facilitateurs des accès” pour tous. Or, non seulement la dimension symbolique des médias est-elle oubliée par cette représentation enchantée de la “mise à disposition” des outils pour tous, mais les inégalités des usages tendent à être escamotées voire gommées. Il s'agira alors de renverser le raisonnement : plutôt que de dire que l'inégal accès à la “professionnalisation”, à la “mobilité”, au “numérique” ou à « l'engagement » serait source d'inégalités sociales et que l'accès à ces dispositifs permettrait d’y remédier, ne peut-on pas affirmer que les inégalités sociales engendrent ou renforcent des appropriations différenciées des dispositifs ? Les politiques publiques, et leur lecture et mise en œuvre, contribuent-elles à dépolitiser l’image du “jeune” et de l’agentivité du “jeune” ? De quelles ressources disposent les jeunes qui participent à ces actions ? En fonction de ces ressources, quels usages font-ils/elles des dispositifs proposés ?

La proximité de certains dispositifs avec le monde du travail (Ihaddadène 2017) invite en effet à s'interroger sur la manière dont ils sont investis pour des visées professionnalisantes. Que révèle cet investissement sur le rapport au travail de ces jeunes ? Quels sont, là aussi, les usages différenciés des dispositifs en fonction de l'appartenance sociale des jeunes ?

On sera particulièrement intéressé par des travaux qui analysent des discours, des pratiques ou des dispositifs dans lesquels les jeunes prennent une part notable, à leurs yeux ou à ceux d’autres acteurs. Des travaux qui interrogent la manière dont les ‘jeunes’ impliqués s’y constituent une place qui n’est pas donnée d’avance, qui prennent en considération les circonstances et les interactions locales tout autant que les caractéristiques sociales et culturelles des personnes investies. Les propositions peuvent être par exemple fondées sur des ethnographies d’ “échecs” ou de “réussite” de ces dispositifs, sur des récits de trajectoires qui prennent en compte la place de ces expériences dans les parcours scolaires, professionnels ou personnels ou qui soulignent comment ces expériences ont été vécues comme des expériences de compréhension, de violence symbolique ou de domination.

 

Les travaux interdisciplinaires seront particulièrement bienvenus ainsi que des études qui portent sur des terrains nationaux ou internationaux variés.

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