Appel à communication > Axe 2 : Co-construire les politiques publiques territorialisées en direction des jeunes ?

L’intégration de la jeunesse dans la société reste un enjeu crucial des politiques de jeunesse. Confrontées notamment à des phénomènes persistants de pauvreté, d’exclusions scolaire, sociale et professionnelle, les jeunesses actuelles ont, au cours des dernières décennies, été destinataires d’une intervention publique accrue mais aussi en forte évolution et recomposition. Ces évolutions se sont traduites par des formes de familialisation (transit des transferts sociaux via la famille) du traitement des problèmes touchant les jeunes (Labadie 2007). Elles se sont aussi traduites par une « proximisation » des cadres spatiaux et des formes de gouvernance de cette intervention publique, liée en particulier en France au mouvement de décentralisation, de régionalisation, de contractualisation et de réforme territoriale oscillant entre un maintien des logiques de secteurs et périmètres (zonages), et le développement d’approches davantage territorialisées. Dans sa phase la plus récente, le croisement de ces deux dimensions, à la fois de territorialisation et de familialisation, a constitué un terrain propice au développement de logiques d’expérimentation locale.

Alors que les expérimentations sociales sont solidement ancrées depuis le début des années 1990 dans la culture anglo-saxonne, la France par sa culture centralisatrice a pris un retard significatif dans ce domaine. Toutefois, depuis la fin des années 2000, les expérimentations sociales suscitent un intérêt croissant et tendent donc à se développer et à se structurer comme l’illustre la création du fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) en 2008. Décrit comme un laboratoire de politiques publiques finançant des actions innovantes en faveur des jeunes, le FEJ se veut être un « booster » d’initiatives territorialisées à destination de la jeunesse.

Plus de dix ans après son lancement, quels enseignements peut-on extraire de ces projets d’expérimentation sociale ? Comment les acteurs institutionnels prennent en compte, via ce mode d’action, les mutations sociales en cours et les transformations rapides des modes de vie des jeunes dans leurs mises en œuvre de politiques dédiées aux jeunes générations ?

Par ailleurs, autre sujet, au-delà des représentations parfois péjoratives associées à la jeunesse, cette population s’est retrouvée progressivement observée au prisme (voir mise sous injonction) de ses capacités et ressources à développer des compétences extrinsèques, à s’impliquer dans des actions collectives et à expérimenter de nouvelles pratiques sociales. Tout comme l’ensemble des acteurs, d’ailleurs, que l’on pourrait regrouper sous le vocable de l’action sociale (éducative, en soutien à l’insertion...), désormais incités ou confrontés à expérimenter. Cette incitation ou contrainte à l’expérimentation laisse par ailleurs ouverte la question de la persistance de fortes inégalités territoriales dans l’application des politiques publiques destinées aux jeunes (Loncle 2013). Dès lors, dans quelle mesure la construction et l’expérimentation des politiques de jeunesse territorialisées est-elle en capacité de réduire ou au contraire accentuer certaines inégalités territoriales, de fragmenter leur possible traitement ? Comment politiques de « droit commun » et pratiques expérimentales se complètent ou interfèrent ?

Enfin, troisième question, concernant davantage les modalités de mise en œuvre (gouvernance) de ces politiques. Historiquement l’action publique portée pour la jeunesse relevait d’une imbrication des niveaux régional, départemental, intercommunal et communal. Elle était par ailleurs, en France comme au Royaume-Uni ou en Allemagne, née au cœur des dispositifs propres à la géographie prioritaire et de ses thématiques vectrices (éducation, délinquance, insertion, citoyenneté...) qui s’étendront plus largement au cœur de « l’action sociale ». La réforme récente des collectivités territoriales en France à travers les lois de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam en 2014 et NOTRe en 2015) a renforcé le processus de décentralisation de l’action publique par l’État, mais l’a aussi complexifié autour d’une pluralisation de l’action locale. Cette inflexion a notamment généré un redécoupage administratif des régions, produit de nouvelles spécifications des compétences aux échelles régionale et départementale, ainsi que largement conforté le rôle joué par les métropoles, anciennes comme nouvelles, dotées désormais d’un nouveau statut et de nouvelles compétences. Contrairement à d’autres secteurs d’intervention publique fortement structurés par l’État, restant des compétences « régaliennes », comme l’éducation, la sphère « jeunesse » est désormais relativement diffuse, prise en charge par de multiples acteurs des territoires (par exemple, les collectivités locales, les communes, les associations, les organismes sectoriels, etc.) mais aussi pris dans des dynamiques de réseaux. Le retrait partiel de l’État sur les questions de la jeunesse ouvre donc un périmètre de gouvernance en reconfiguration, en quête de leadership, et de modalités de coopération. Dans ce nouveau cadre institutionnel, les métropoles, dont le rôle croissant dans l’organisation du territoire autant que la présence renforcée sur la scène politique reste difficilement contestable, se sont vues assigner le statut de « chef de file », avec pour mission de structurer voire consolider des partenariats, des collaborations, des coopérations entre les institutions des différents niveaux d’intervention. Ces modalités de pilotage métropolitain des politiques de la jeunesse sont à réinterroger, en particulier, mais non exclusivement, dans le cadre « post-MAPTAM » en France.

Quelles sont les approches, méthodes et voies de gouvernance, déployées sur le territoire pour construire et mettre en œuvre des politiques pour les jeunesses ? Quels acteurs contribuent à l’instauration d’un cadre d’action commun ? Quel rôle jouent ou pas les spécificités des territoires concernés ? Sous quelles formes (mise en réseaux, collaborations informelles...) et avec quelle efficacité ? Quels sont les processus d’élaboration de ces politiques à destination des jeunes ? Quels sont les discours/diagnostics mobilisés à cette occasion ? Par ailleurs, quelles sont les méthodes permettant d’éclaircir la constellation des acteurs impliqués par ces expérimentations lorsqu’elles sont menées et les formes de relations de pouvoir qui leur sont associées (analyse des réseaux sociaux...) ? Dans quelle mesure la mise en œuvre de programmes intégrés d’expérimentations à l’initiative de l’État a-t-il pu jouer un rôle d’accélérateur dans la structuration ou inversement la fragmentation du champ local des politiques et dispositifs en direction des jeunesses ?

 

Les travaux interdisciplinaires seront particulièrement bienvenus ainsi que des études qui portent sur des terrains nationaux ou internationaux variés.

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