GOURLAND Natacha - Géographie, Université Paris-Est Créteil, LAB'URBA

Les conservatoires sont des établissements publics d'enseignement artistique s'étant affirmés comme des espaces de référence dans la formation des jeunes amateurs et des jeunes artistes. Très sollicités par les habitants, ils sont à l'échelle locale des lieux charnières dans l'accès aux pratiques artistiques dites de « haute-culture » (Bourdieu, 1979 ; Lahire, 2006). Rien qu'en Ile-de-France, il existe aujourd'hui 103 conservatoires de danse agrées par le ministère de la culture, 300 écoles de musique et conservatoires de musique, et 8 conservatoires à rayonnement régional enseignant la danse, la musique et le théâtre (Gouv, 2019). Depuis 2015 et le retrait de l'État dans leur financement, les conservatoires sont néanmoins uniquement financés par la municipalité́ ou l'établissement public territorial (EPT) où ils sont implantés. Cette gestion territoriale est-elle en capacité de réduire ou au contraire d'accentuer certaines inégalités d'accès à l'art et la culture auprès des jeunes ? Comment certaines catégories de jeunes et certaines activités artistiques sont-elles valorisées dans les discours des politiques publiques ? Quelles sont les populations juvéniles ciblées par des institutions publiques comme les conservatoires ?

En effet, le financement des conservatoires en fait des établissements au cœur des politiques culturelles locales, ce qui pose la question de la jeunesse qui fréquente ces établissements, de leur accessibilité́ sociale et de l'appropriation qu'en font les populations. Je montrerai que la couleur politique de certaines communes peut révéler des idéologies et des discours sur l'art, la jeunesse et les pratiques culturelles légitimes au sein d'un territoire.

Favoriser l'apprentissage de la musique au sein du conservatoire et de la commune plutôt que « le foot », percevoir les conservatoires comme « la danseuse des élus » ou mener des actions de sensibilisation à l'art auprès des jeunes, toutes ces actions en lien avec les jeunes se pensent avec des structures spécifiques dont font partis les conservatoires.

Je m'interrogerai dans cette communication sur les politiques publiques artistiques auprès des jeunes et des enfants dans plusieurs communes de petite couronne parisienne. Cette communication s'appuie sur un travail de terrain mené́ depuis 2018 dans le cadre d'une recherche doctorale. Plusieurs communes et plusieurs conservatoires de banlieue parisienne ont été enquêtés dans le Val-de-Marne (94), les Hauts-de-Seine (92) et la Seine-Saint-Denis (93).

Je montrerai ainsi que bien que certaines communes populaires soient régulièrement catégorisées comme des « espaces en difficulté́ » (Tissot, 2013) dans la marqueterie territoriale de la politique de la ville, elles mettent en place des politiques culturelles et artistiques volontaristes pour la jeunesse (Clech, 2016 ; Guillard, 2016), notamment via leurs conservatoires et afin de changer leur image.

Bibliographie : 

BOURDIEU, Pierre., 1979, La Distinction : Critique sociale du jugement. Paris : Les Éditions de Minuit, 672 p.

CLECH, Pauline., 2016, « Mobilités sociales et rapports au pouvoir institutionnel : une élite du hip-hop en banlieue rouge »., Politix, no 114, pp 149-75.

DANIC, Isabelle., OLIVIER, David, DEPEAU, Sandrine, et Collectif., 2010, Enfants et jeunes : Dans les espaces du quotidien., Presses Universitaires de Rennes, 273 p.

GUILLARD, Séverin., 2016, Musique, villes et scènes : Localisation et production de l'authenticité dans le rap en France et aux États-Unis., Thèse de doctorat en géographie, Université Paris Est, 521 p.

LAHIRE, Bernard, 2006, La culture des individus. Paris, La Découverte, 784 p.

TISSOT, Sylvie, 2007, L'État et les quartiers. Genèse d'une catégorie de l'action publique. Paris, Le Seuil, 308 p. VIVET, Jeanne, et Sonia LEHMAN-FRISCH., 2011, « Géographie des jeunes - Carnets de débats ». Carnets de géographes, n°3.