PHILIPPE Marion - STAPS, Université Gustave Eiffel, ACP (EA 3350)
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les associations de tourisme sportif travaillent de concert avec l'État dans le but de développer la pratique du tourisme sportif pour les jeunes issus des classes populaires. Ils mettent en place une coopération forte autour d'aides à la pierre, à la personne, mais également de la mise à disposition de personnels (Philippe, 2020).
Les lois Defferre de 1982 et 1983 installent la décentralisation et créent les régions dont les représentants sont élus au suffrage universel. Celles-ci se voient transférer le pouvoir exécutif, administratif et financier (Valode, 2014). Les chercheurs travaillant sur les questions de sports et de décentralisation évoquent souvent l'idée que le sport a été oublié par ces lois (Bayeux, 2013; Honta, 2002 ; Simon, 1988). Le ministère en charge de la Jeunesse et des Sports se retrouve alors chargé de la définition globale d'une politique sportive. Étant donné que leur rôle n'est pas clair en matière de sport, les régions s'occupent précisément des activités qui les intéressent dans le cadre du développement économique de leur territoire (Miège, 1997). La loi du 7 janvier 1983 transfère les compétentes de l'État en matière d'aménagement du territoire aux régions qui réfléchissent alors en fonction des spécificités propres à leurs territoires.
C'est donc dans ce contexte particulier que les associations de tourisme sportif doivent créer une nouvelle forme de partenariat à l'échelle locale dans le but de tenter de continuer à mener à bien leur projet en direction de la jeunesse populaire. Les associations que nous étudions dans le cadre de ce travail sont l'Union des Centres de Plein-Air (UCPA), créée en 1965 par l'État, le Centre Nautique des Glénans (CNG), fondée en 1947 par d'anciens résistants et, enfin, le Club Alpin Français (CAF), véritable institution dans le milieu de la montagne depuis la fin du XIXe siècle. Toutes ses associations entretiennent un lien particulier avec l'État et le ministère en charge de la Jeunesse et des Sports depuis la Libération et reçoivent des moyens conséquents dans le but d'équiper le territoire pour recevoir une population essentiellement jeune et l'éduquer à travers la pratique sportive.
À travers cette réflexion, nous avons pour objectif de définir la matière dont s'articule cette nouvelle collaboration. Plusieurs questions peuvent alors se poser. Les régions donnent-elles autant de moyens que le ministère en charge de la Jeunesse et des Sports aux associations de tourisme sportif pour développer leur offre en termes d'infrastructures d'accueils ? Des partenariats sont-ils à l'œuvre pour tenter de garantir une accessibilité renforcée des jeunes des différentes régions aux activités sportives proposées par les associations ? Si oui, de quelle nature sont-ils ? Quelles sont les politiques définies par les deux acteurs pour faciliter une éducation réelle des jeunes à travers pratique sportive ? Le partenariat travaille-t-il également en faveur de l'emploi, condition obligatoire au développement d'une offre sportive ?
Le travail présenté ici s'appuie essentiellement sur une analyse d'archives. Celles-ci sont issues de fonds à la fois privés et publics. En effet, nous étudions les documents des associations étudiées et particulièrement les différents rapports moraux, financiers et d'activité ainsi que les comptes rendus de conseil d'administration. Ces documents retrace effectivement de possible difficultés avec les régions mais également des partenariats à l'œuvre et leur nature. Pour les archives publiques, notre travail s'oriente sur les archives du ministère en charge de la Jeunesse et des Sports ainsi que ceux de la Cour des comptes. Ces différents documents visent à avoir une idée des politiques souhaitées en faveur des sports de pleine nature en direction de la jeunesse populaire, mais également de voir les mises en application réelles à travers les moyens investis dedans. Enfin, nous étudierons également plus spécifiquement les archives de deux régions qui sont la Bretagne et le Rhône-Alpes dans le but de cerner les moyens mis en œuvre à l'échelle locale dans le but de développer ses pratiques. Le choix de ses régions est lié à une triple réflexion. Premièrement, le fait que ce soit des espaces qui concentrent une majorité des activités des associations étudiées dans le cadre de ce travail. Deuxièmement, il s'agit de espaces définies comme privilégiées pour la pratique des loisirs de plein air par le rapport de la mission interministérielle de l'Environnement en 1973. Enfin, ses régions sont les premières à développer des politiques à l'échelle locale en matière de développement du tourisme, notamment sportif, en raison d'un intérêt important pour l'économie locale. Nous étudions alors particulièrement des documents comptables ayant pour but d'afficher les priorités des régions en termes de tourisme et de sport.
Les premiers résultats de cette étude nous permettent d'évoquer une évolution importante au niveau de la relation entre les associations de tourisme sportif et les régions. Les premières doivent dorénavant s'adapter entièrement aux régions dans lesquelles elles souhaitent s'implanter. Elles sont dans l'obligation de proposer des projets qui correspondent aux besoins des régions et qui présentent également un intérêt économique certain pour celles-ci. Le partenariat avec les régions vise à la fois à la création d'infrastructures, mais également à l'accueil d'un public issu des classes populaires. Ses jeunes ont alors la chance de bénéficier d'une offre personnalisée visant à leur donner envie de pratiquer ses sports et de sortir d'une pratique de l'entre-soi dans laquelle ils se sentent en confiance (Mauger, 2009). C'est également dans ce but, mais aussi pour enrayer les spirales négatives en termes de chômage des jeunes que les associations collaborent avec les régions dans le but de créer des emplois dans le domaine du sport.
Bibliographie :
Bayeux, P. (2013). Le sport et les collectivités territoriales. Paris : Presses Universitaires de France.
Honta, M. (2002). Les territoires de l'excellence sportive. Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux.
Mauger, G. (2009). Les styles de vie des jeunes des classes populaires (1975-2005). In Bantigny, L., Jablonka, I. (dir.). Jeunesse oblige : histoire des jeunes en France XIXe-XXIe siècle. Paris : Presses Universitaires de France.
Miège, C. (1995). Les institutions sportives. Paris : Presses Universitaires de France.
Philippe, M. (2020). Coopérer pour développer l'accès des sports de plein air à la jeunesse populaire ? Étude des relations entre les pouvoirs publics et les associations de tourisme sportif (1944-1996). [Thèse de doctorat en STAPS non publiée] Université Gustave Eiffel : Champs-sur-Marne.
Simon, G. (1988). Incidence des lois de décentralisation. In Collomb, P. (dir.). Sport et decentralization. Nice : Economica.
Valode, P. (2014). La Ve République : une histoire. Paris : L'Archipel.