"Comme ça, quand nous on sera plus là, tu sauras tout faire" L'APJM aux mineur·es non accompagné·es : enjeux, mise en oeuvre et pratiques professionnelles
Émeline Zougbede  1  
1 : ICM-CNRS
ICM-CNRS

ZOUGBEDE Émeline - Sociologie, ICM-CNRS

Il existe différents types de l'aide jeune majeur, couramment admise sous le terme « contrat jeune majeur ». Conçue au départ pour faciliter la transition vers l'âge adulte et l'autonomie des jeunes majeur·es, l'aide jeune majeur est devenue, par les articles L.112-3 et L.221-1 du Code de l'action sociale et des familles qui la consacre, une mission des départements. Retenons alors que : « la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, souligne que la prise en charge des majeurs de moins de 21 ans rest[e] une mission de l'aide sociale à l'enfance départementale » (Verdier, 2012 : 10). Mais contrairement à la prise en charge des mineur·es qui relève d'une obligation faite au président du Conseil général et est un droit pour les bénéficiaires, les départements ne sont tenus par aucune obligation légale : ils ont sur ce sujet un pouvoir d'appréciation. À ce titre, l'aide jeune majeur n'est qu'une prestation légale car inscrite dans les missions de l'aide sociale à l'enfance (Rongé, in Verdier, 2012 : 12). Parmi les aides jeune majeur, on trouve : l'accueil provisoire jeune majeur (APJM) destiné aux majeur·es hébergé·es en structures d'accueil ou en service de semi-autonomie, l'allocation autonomie jeune majeur qui est une aide financière, et l'aide éducative à domicile pour jeunes majeur·es (AEDJM) en foyers de jeunes travailleur·ses ou en famille. Si des études sur le sujet insistent sur les trois grandes limites d'intervention qui ont des conséquences sur la mise en place effective du « contrat jeune majeur » (Petit-Gats, Guimard, 2013), on cherchera pourtant ici à en mesurer l'effectivité en prenant le cas de l'APJM destiné aux mineur·es non accompagné·es et tel qu'il s'organise dans le département de la Seine-Saint-Denis. On parlera alors de contrat jeune majeur (CJM).

Depuis septembre 2018, le département de la Seine-Saint-Denis a décidé de spécialiser la prise en charge de migrant·es mineur·es par l'ouverture de la Cellule d'accompagnement des mineurs non accompagnés (CAMNA). Les jeunes pris·es en charge, et au même titre que toute jeune confié·e à l'aide sociale à l'enfance, peuvent demander avant leur majorité de bénéficier d'un CJM. Si ce contrat, qui en réalité n'en est pas tout à fait un, se fonde sur la libre adhésion du/de la jeune, dans le cas des jeunes majeur·es migrant·es, il semble à la fois illustrer la manière dont se met en œuvre une politique publique en direction des jeunes à travers sa co-construction via un réseau d'acteurs et de partenaires sur le territoire. Dans le même temps que sa mise en œuvre symbolise un affichage et une volonté politique quant à une préoccupation de question de jeunesse (on pourra noter ici qu'à la différence de la Seine-Saint-Denis, le département de Seine-et-Marne ne fait aucun contrat jeune majeur), qu'à celle des jeunes migrant·es (notamment concernant des besoins de spécialisation de la prise en charge). En portant la focale sur le contrat jeune majeur en direction des majeur·es migrant·es confié·es, dans cette communication, on s'interrogera sur le réseau d'acteurs et de collaborations qui œuvre à la mise en place d'une telle mesure, mais aussi à son efficacité et à sa compréhension. Quel est le réseau d'acteurs à l'oeuvre dans la mise en place des CJM ? Comment se constitue-t-il, à quelles occasions et avec quelles compétences ? Qu'en est-il de l'efficacité et de la compréhension du CJM par les acteurs qui participent à sa mise en place et par les jeunes, destinataires de cette prestation ? Quels sont en retour les besoins de spécialisation qui structurent en amont et en aval ce réseau d'acteurs et les actions menées ? On articulera ainsi trois niveaux de discours et d'analyse : macroscopique en regardant du côté des textes législatifs ; mésoscopique à partir de l'expériences des professionnel·les (cadres et travailleur·ses sociaux·ales) dans la mise en œuvre des CJM ; et microscopique prenant en compte le travail quotidien des éducateur·rices et des jeunes dans la réalisation des objectifs du CJM. Finalement, en croisant ces trois niveaux de discours et d'analyse, on s'autorisera à réfléchir aux adaptations que la mise en place d'un CJM pour jeunes majeur·es migrant·es confié·es induit, ainsi qu'à l'adaptabilité qui est en retour demandée de la part des professionnel·les autant dans l'identification de leurs missions et compétences que dans celles des besoins et demandes des jeunes. C'est dire que la réflexion finale s'arrimera à celle de la production et la mise en œuvre de politiques publiques en direction de la jeunesse.

Méthodologiquement, notre communication s'appuiera d'une part, sur l'expérience professionnelle de Camille Dubuit, responsable adjointe du pôle administratif à la CAMNA. D'autre part, elle se basera sur une enquête plus large portant sur la prise en charge des jeunes migrant·es en Seine-Saint-Denis dont la sociologue Emeline Zougbédé fait partie. Plus spécifiquement, la méthodologie est celle de la recherche qualitative, à travers laquelle nous restituerons l'analyse de textes législatifs encadrant et organisant la prise en charge de jeunes majeur·es migrant·es confié·es, ainsi que l'observation de commissions et d'entretiens de signature de CJM. Des entretiens menés avec des acteurs clés identifiés (inspectrices, responsables de la CAMNA, éducatrices référentes des jeunes, chargé·es d'insertion professionnelle en mission locale, etc.) viendront compléter les données observées et recueillies. Enfin, et parce qu'il s'agit de débattre d'une politique publique en direction de la jeunesse, on rendra également compte de la parole des jeunes, avec cette idée de saisir leurs expériences du CJM à trois moments clefs : au début du CJM, au renouvellement du CJM, et sur la fin du CJM. Nous nous appuierons sur six histories de vie de jeunes.

Bibliographie : 

Daadouch, Christophe, et Pierre Verdier. « Loi du 14 mars 2016 : des avancées en demi-teinte pour le dispositif de protection de l'enfance », Journal du droit des jeunes, vol. 353, no. 3, 2016, pp. 37-53.

Verdier, Pierre. « Le « contrat jeunes majeurs » : mythe et réalité », Journal du droit des jeunes, vol. 320, no. 10, 2012, pp. 10-14.

Petit-Gats, Juliette, et Nathalie Guimard. « L'accompagnement du jeune majeur : un contrat qui soutient la sortie des dispositifs de protection de l'enfance », Enfances & Psy, vol. 60, no. 3, 2013, pp. 137-145.


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