Le programme d'expérimentations PIA Jeunesse fait-il territoire dans le champ de l'action sociale et de la jeunesse ?
Flavie Ferchaud  1  , Eric Kergosien  2@  
1 : Lab'Urba (EA 3482)
Université Gustave Eiffel
2 : Groupe dÉtudes et de Recherche Interdisciplinaire en Information et Communication (GERiiCO) - EA 4073  (GERIICO)  -  Website
Université de Lille, Sciences Humaines et Sociales : EA4073
Domaine Universitaire du Pont de Bois – BP 60149 F-59653 Villeneuve d'Ascq CEDEX -  France

FERCHAUD Flavie, Aménagement, Urbanisme, Université Gustave Eiffel, Lab'Urba (EA 3482) .... KERGOSIEN Éric, Sciences de l'information et de la communication, Université de Lille, GERiiCO (ULR 4073)

Introduction

Cette proposition de contribution trouve son origine dans l'évaluation d'un programme d'actions expérimentales en faveur de la jeunesse. Illustrant la montée en puissance de la place de l'expérimentation dans l'action publique (Bureau et al., 2013), ce programme d'actions constitue la réponse de la Métropole Européenne de Lille (MEL) à un appel à « projets innovants en faveur de la jeunesse » lancé par l'État et porté par l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) en 2015. Ce programme est alors composé de 40 actions réparties au sein d'axes thématiques : mobilités, engagement, insertion professionnelle, pratiques numériques, et d'une équipe pluridisciplinaire de chercheurs pour l'évaluation du projet. Mis en œuvre en 2017, pour une durée de quatre années, le portage de ce programme par la MEL s'inscrit dans le contexte des réformes territoriales (loi MAPTAM en 2014 et loi NOTRe en 2015) contribuant au renforcement du rôle des métropoles dans les territoires (Rivière, 2015). En matière de jeunesse, si la Région des Hauts-de-France reste cheffe de file, la MEL a acquis la gestion du Fonds d'Aide aux Jeunes en 2015. L'arrivée du PIA « Jeunesse » permet ainsi à la MEL de s'adresser d'une manière nouvelle à une population cible (les jeunes) et à un réseau d'acteurs travaillant avec les jeunes.

Parmi les nombreux pilotages, l'action transversale au projet nommée « cartographie des acteurs » vise à faire émerger des savoirs non-formalisés d'experts et de professionnels de la jeunesse afin de les visualiser sur une carte ou un réseau, pour mieux les comprendre. Dans ce cadre, nous analysons les effets territoriaux du PIA de manière plurielle : à travers (1) les institutions et leurs rôles dans ce projet ; (2) le système de relations entre les acteurs impliqués dans les actions expérimentées ; (3) la provenance des jeunes ciblés par ces actions ; et enfin, (4) la spatialisation des actions. Nous cherchons ainsi à savoir en quoi ce programme témoigne-t-il de la montée en puissance des métropoles ? Dans quelle mesure l'arrivée d'un programme d'expérimentations lancé par l'État (recentralisation au plan méthodologique) amène les acteurs métropolitains à « faire territoire » dans le champ de l'action sociale et de la jeunesse ?

Ces questionnements s'inscrivent dans un contexte spécifique, mais commun à bien des métropoles dans le champ de la jeunesse comme dans d'autres, au regard des temporalités : temps long de la construction territoriale, temps plus récents de la décentralisation, temporalité plus courte des réformes de ces dernières années, et temporalité bien plus courte encore, d'un programme d'expérimentations supposé impulser une structuration innovante de l'action publique en faveur de la jeunesse.

Cadre théorique

La recherche présentée ici repose sur un corpus de travaux pluridisciplinaire. La littérature principalement mobilisée, tant en science politique qu'en aménagement et en sciences de l'information et de la communication, porte sur les mutations de l'action publique, mutations en prise avec la transformation du rôle de l'État et des institutions locales sous l'effet des réformes territoriales. D. Rivière (2015) s'interroge ainsi sur la portée de l'institutionnalisation du pouvoir métropolitain sur le paradigme de la flexibilité qui caractérise la gouvernance métropolitaine jusqu'alors (Le Galès, 2003) et qui n'a pas su avancer sur la question de solidarité. Or, cette question est centrale dans la MEL, une des plus inégalitaires de France, qui compte nombre de marqueurs alarmants sur les difficultés des jeunes, i.e. les taux de chômage et taux de précarité (Collectif Degeyter, 2017). De plus, si les travaux de D. Rivière soulignent que l'institutionnalisation du pouvoir métropolitain s'inscrit dans des rapports entre des échelles infra et supra métropolitaines, ils indiquent le repositionnement des acteurs métropolitains et infra-métropolitains au fil des opportunités et des impulsions en partie contraires (européanisation d'un côté, recentralisation de l'autre) qui leur arrivent. Dans la littérature, les mutations de l'action publique sont également analysées au prisme des appels à projet, qui rythment, fragmentent l'action publique mais permettent aussi la mobilisation collective d'acteurs (Epstein, 2015).

Dans le but d'analyser au plus près l'évolution des actions sur le territoire, les rapports entre les acteurs et entre des échelles multiples, nous nous aidons des travaux portant sur l'analyse du réseau d'acteurs qui connaît un essor important ces dernières années (Beauguitte, 2016), et également sur l'analyse spatiale des actions en nous appuyant sur un système d'information géographique (SIG) participatif faisant collaborer chercheurs et acteurs du projet (Mericskay et Roche, 2011 ; Noucher et al., 2018). Dans le cadre de ce travail de recherche-action pour la construction de connaissances à des fins d'évaluation des politiques publiques, les concepts de recherche participative et de mise à disposition des données en données ouvertes seront également mis en avant.

Bibliographie

Beauguitte L., 2016, « L'analyse de réseaux en sciences sociales et en histoire. Vocabulaire, principes et limites », in Le réseau. Usages d'une notion polysémique en sciences humaines et sociales, Rosemonde Letricot, Mario Cuxac, Maria Uzcategui et Andrea Cavaletto (dir.)Louvain, Presses universitaires de Louvain, p. 9-24.

Bureau M-C., Sarfati F., Simha J., Tuchszirer C., 2013, « L'expérimentation dans l'action publique », Travail et Emploi, no 135 [en ligne : http://journals.openedition.org/travailemploi/6070, consulté le 24/02/2020].

Collectif Degeyter, 2017, Sociologie de Lille, coll. « Repères », no 692. 

D'Almeida N., Griset P., Proulx S., 2008, « Introduction », Communiquer, Innover réseaux, dispositifs, territoires, Hermès, 50(1), p. 11-17 [en ligne : www-cairn-info-s.fennec.u-pem.fr/revue-hermes-la-revue-2008-1-page-11.htm, consulté le 24/02/2020].

Epstein R, 2015, « La gouvernance territoriale : une affaire d'État. La dimension verticale de la construction de l'action collective dans les territoires », L'Année sociologique, 65(2), p. 457-482. 

Le Galès P., 2003, Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, SciencesPo Les Presses, Paris. 

Loncle P., 2011, « La jeunesse au local : sociologie des systèmes locaux d'action publique », Sociologie, 2(2), p. 129-147. pp. 22. [en ligne : https://www-cairn-info-s.fennec.u-pem.fr/revue-sociologie-2011-2-page-129.htm, consulté le 24/02/2020].

Rivière D., 2015 « Métropoles et territoires institutionnels : quelques pistes d'analyse à partir des cas français et italien », L'Espace politique, no 27 [en ligne : http://journals.openedition.org/espacepolitique/3642, consulté le 24/02/2020].

Smith B., Silva T., Khumar A. (dir.), 2007, Proceedings du 15e colloque européen de géographie théorique et quantitative ECTQG, Montreux, Presses de l'Université de Lausanne.


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