VILCHES Océane - Sciences de l'éducation,Université de Bourgogne, IREDU (EA 7318)
Les jeunes de moins de vingt-six ans constituent la catégorie d'âge la plus touchée par le chômage (Carcillo et al., 2015). Ainsi, depuis 2005, de nombreux dispositifs d'aide à destination de ce public se sont déployés. Ils peuvent consister à aider les jeunes de manière financière ou leur permettre de s'insérer de manière durable et rapide sur le marché de l'emploi. Depuis plus de trente ans, c'est le rôle des missions locales présentent sur le territoire français qui viennent en aide à près d'1,5 millions de jeunes chaque année (Cahuc et al., 2013).
Le dispositif Garantie jeunes cible les jeunes NEET « Not in Education, Employment or Training » âgés de seize à vingt-cinq ans qui ne peuvent bénéficier du RSA. Plus précisément, il s'agit d'une catégorie spécifique : les jeunes en situation de grande vulnérabilité, qu'elle soit financière, familiale ou sociale (Farvaque et al., 2016). L'objectif principal du dispositif consiste à accompagner les jeunes vers l'autonomie à l'aide d'un parcours personnalisé afin qu'ils s'insèrent sur le marché de l'emploi. Le dispositif a la volonté de garantir à chaque jeune une expérience professionnelle. Les effets escomptés sont donc les « sorties positives », c'est-à-dire lorsque le jeune est en emploi, en formation, crée une entreprise ou a été en situation professionnelle durant au minimum quatre mois (quatre-vingts jours travaillés). Le financement des Missions locales est conditionné à ces « sorties positives ». La Garantie jeunes, en comparaison aux autres dispositifs, apparait comme innovante sur plusieurs points. En effet, elle propose un accompagnement à la fois individuel et collectif par les conseillers en mission locale, elle suppose le critère de vulnérabilité des jeunes et adopte une logique de work first et de médiation active (Erhel & Gautié, 2018). L'accompagnement débute par une phase collective allant de quatre à six semaines, durant laquelle des ateliers divers sont animés par les conseillers et/ou des intervenants extérieurs. Ensuite, les bénéficiaires du dispositif doivent effectuer des démarches afin de trouver des mises en situation professionnelle tout en étant suivis régulièrement par des conseillers référents. Un conseiller référent est nommé pour chaque cohorte et doit accompagner les jeunes tout en assurant un suivi individualisé. Ce suivi régulier se matérialise sous la forme d'une fiche de progression qui permet d'observer l'effet de l'accompagnement et l'évolution des parcours.
Ces fiches de progression font référence à plusieurs compétences sociales, appelées aussi soft skills telles que l'autonomie, la communication mais aussi l'estime de soi. Fort de ces constats, notre recherche propose d'axer sa réflexion sur le développement des compétences sociales des jeunes après un an dans le dispositif GJ. Notre problématique s'inscrit dans un contexte où plusieurs travaux ont démontré que les employeurs s'intéressent de plus en plus aux soft skills (Almlund et al., 2011). Nos travaux s'intéresseront alors aux effets du dispositif Garantie jeunes tant au niveau de l'insertion sociale et professionnelle qu'au niveau des compétences sociales. Dans un premier temps, il s'agira d'observer s'il existe un effet direct de la Garantie jeunes sur l'insertion sociale mais aussi sur l'insertion professionnelle. Puis, d'observer si cet effet transite par l'acquisition de compétences sociales. Dans un second temps, nous porterons notre attention sur la façon dont les bénéficiaires s'approprient le dispositif et les différents usages qu'ils en font.
Notre terrain d'enquête se déroule dans le cadre d'une convention CIFRE. Ainsi, nous avons opté pour une méthode longitudinale qualitative. Nous avons mené des entretiens semi-directifs auprès de vingt-trois jeunes inscrits dans le dispositif à trois reprises. Tout d'abord au début du programme lors des quatre semaines de collectif, six mois après et enfin à leur sortie du dispositif. La population enquêtée sont les jeunes suivis au sein de la Mission locale Nevers Sud Nivernais, qui se situe dans un territoire considéré comme fragilisé par la crise. L'ensemble des entretiens seront exploités dans le cadre de la communication. Par ailleurs, ces entretiens seront complétés par nos prises de notes durant la phase d'observation directe et participante ainsi que les dossiers sociaux des jeunes. En effet, nous avons assisté à l'ensemble des ateliers proposés durant la phase collective auprès de quatre cohortes de jeunes différentes.
Lors de notre communication, nous axerons notre propos sur les trajectoires de vie des jeunes, en tenant compte de leurs expériences scolaires, professionnelles et personnelles. Ensuite, nous nous intéresserons à leur vécu au sein de la Garantie jeunes et la façon dont ils investissent le dispositif. Au vu de la diversité des parcours, nos analyses nous permettront d'effectuer une classification entre les jeunes en tenant compte de leur parcours antérieur puis tout au long du programme GJ. Afin d'établir cette classification, nous nous appuierons sur deux logiciels prévus à cet effet : Iramuteq et Nvivo. Les résultats attendus sont divers. Les motivations à entrer dans le dispositif revêt une multitude de motifs, qu'il s'agisse d'une volonté à trouver des stages, des motifs financiers mais aussi d'un « souci de préservation de soi » ou encore pour « occuper ses journées » (Vollet, 2016). Nous supposons alors que les choix des jeunes à entrer dans le dispositif repose sur un phénomène d'auto-sélection. Ensuite, nous pensons que la façon dont les jeunes investissent le dispositif dépend de leurs expériences passées. Ces propos font écho à la typologique de Loison-Leruste et al. (2016) qui identifie différents types d'interactions des bénéficiaires avec la proposition institutionnelle : « mobilisation », « occupation », « intermédiation », « démobilisation ». Enfin, les effets du dispositif sur l'insertion sociale et professionnelle diffèrent selon les jeunes. En effet, nous supposons que malgré l'évolution des parcours de vie, persistent des « parcours empêchés », terme qui désigne les jeunes dont la situation n'évolue pas en raison de problèmes physiques, psychiques, sociaux ou économiques (Loison-Leruste et al., 2016). De plus, l'acquisition de nouvelles compétences sociales va dépendre de leurs expériences professionnelles durant la GJ.
Bibliographie :
Almlund, M., Duckworth, A. L., Heckman, J. J., & Kautz, T. D. (2011). Personality Psychology and Economics (Working Paper No 16822; Working Paper Series). National Bureau of Economic Research. https://doi.org/10.3386/w16822
Cahuc, P., Carcillo, S., Rinne, U., & Zimmermann, K. F. (2013). Youth unemployment in old Europe : The polar cases of France and Germany. IZA Journal of European Labor Studies, 2(1), 18. https://doi.org/10.1186/2193-9012-2-18
Carcillo, S., Fernández, R., & Königs, S. (2015). OECD SOCIAL, EMPLOYMENT AND MIGRATION WORKING PAPERS No. 164. 109.
Centre d'études de l'emploi et du travail (France), Loison-Leruste, M., Couronné, J., Sarfati, F., & Université de Paris 13. (2016). La garantie jeunes en action : Usages du dispositif et parcours de jeunes. Centre d'études de l'emploi et du travail.
Erhel, C., & Gautié, J. (2018). La Garantie jeunes : Éléments d'évaluation et de comparaison internationale. Travail et Emploi, 153, 5‑14.
Farvaque, N., Kramme, C., & Tuchszirer, C. (2016). La Garantie jeunes du point de vue des missions locales : Un modèle d'accompagnement innovant, mais source de bouleversements organisationnels (p. 137 p.) [Report]. Conservatoire national des arts et métiers - CNAM ; Centre d'études de l'emploi et du travail - CEET. https://hal-cnam.archives-ouvertes.fr/hal-02306049
Vollet, J. (2016). Tribulations d'une jeunesse sans diplôme : De l'école aux dispositifs « seconde chance » [These de doctorat, Bordeaux]. http://www.theses.fr/2016BORD0193